À partir du XIIe siècle, l’Ars amatoria d’Ovide, qui enseigne l’art de la séduction, devient de plus en plus populaire, comme le démontrent ses nombreuses traductions françaises. Au même temps, des traités d’éducation adressés aux femmes les instruisent à une vie honnête, loin de tout péché, notamment celui de luxure. Comment ces deux discours pouvaient-ils coexister?
     À la différence de leur modèle, les cinq traductions françaises de l’Ars amatoria qui nous sont parvenues omettent ou modifient souvent le troisième livre, grâce auquel les femmes aussi apprenaient l’art d’aimer. Le public médiéval de l’Ars est donc principalement masculin, ou alors les femmes apprennent comment plaire aux potentiels amants. Les traités d’éducation (ou livres de conduite) qui nous intéressent ici, s’adressent à un public féminin.
     La comparaison de ces deux genres textuels permet d’en dégager les nombreux points de conflit mais aussi leurs points communs, que nous examinerons au prisme des cinq degrés d’amour caractéristiques de la tradition littéraire dès l’Antiquité. L’analyse ouvrira parfois la perspective à d’autres genres littéraires, en tenant compte des éléments praxéologiques et philologiques, si importants pour comprendre les données matérielles.  
     Le but final est de reconstruire l’image « idéale » de la femme du Moyen Âge français, dans toutes ses nuances. En parcourant les fantasmes des hommes de l’époque à l’aide des textes et des manuscrits qui les transmettent, nous pourrons également reconsidérer l’horizon d’attente des deux genres textuels en question.

Profile: En juillet 2017 j’ai obtenu mon diplôme de Master en Études médiévales à l’Université de Zurich, avec le mémoire « Le Chat au Moyen Âge : une créature diabolique ? ». Ma recherche de doctorat, que je fais en co-tutelle entre l’UZH et la Sorbonne Université (directeurs de thèse : Prof. Dr. Richard Trachsler et Prof. Dr. Sylvie Lefèvre), tourne autour de la figure de la femme médiévale, du discours érotodidactique et de celui des livres de conduite français. Depuis août 2017 je travaille en tant qu’assistante du Prof. Dr. Richard Trachsler (chaire de littérature française et occitane du Moyen Âge).